Le groupe Citoyen écologiste et solidaire (CÉS) a salué la présentation du premier Schéma Numérique Responsable comme une avancée positive pour Le Mans, mais a formulé deux critiques de fond. Olivier Ruchaud a dénoncé l’incohérence entre les engagements affichés en faveur des solutions souveraines et le choix opérationnel de Microsoft Copilot, jugé contraire aux recommandations de l’ANSSI, du Parlement européen et de la CNIL. Pour le groupe, ce choix renforce la dépendance technologique et affaiblit les alternatives françaises comme Mistral AI. Le CÉS propose que la Ville privilégie une IA française pour préserver cohérence, indépendance et sécurité juridique. En outre, il regrette l’absence d’une instance citoyenne dédiée au suivi du Schéma, à l’image du Conseil citoyen du numérique responsable de Rennes. Pour l’opposition, une telle structure renforcerait la légitimité, la vigilance démocratique et l’appropriation collective de cette stratégie numérique.
Intervention de M. Olivier Ruchaud
Monsieur le Maire, mes chers collègues,
Le Schéma Numérique Responsable qui nous est présenté ce soir constitue une avancée attendue. Nous saluons la volonté de formaliser une stratégie transversale qui, nous l’espérons, engagera durablement nos politiques numériques sur des bases écologiques, éthiques et inclusives. Toutefois, permettez-moi de formuler deux observations de fond.
La première concerne l’arrivée de l’Intelligence Artificielle dans l’administration. Le Mans Métropole a eu le mérite d’intégrer dès ce premier SNR une réflexion sur la régulation des outils d’IA, ce que peu de collectivités ont fait. Mais un paradoxe demeure : le schéma affirme vouloir « privilégier la French Tech » et « favoriser les outils souverains ou hébergés en Europe », conformément aux recommandations de l’ANSSI, du Parlement européen et de la CNIL. Pourtant, dans la réalité, le choix s’est porté sur Copilot de Microsoft, solution américaine, fermée, propriétaire et extra-européenne. Le document Synchro de mai 2025 l’a confirmé avec la mise en place de 50 postes pilotes, en contradiction avec la délibération votée en avril 2025.
Ce choix est dommageable non pas parce que Copilot serait inefficace, mais parce qu’à un moment charnière pour l’écosystème européen, la commande publique devrait soutenir des alternatives françaises comme Mistral AI. En renonçant à cet acte de cohérence, nous renforçons un modèle de dépendance technologique, avec les risques connus : extraterritorialité du droit américain, opacité des modèles, fragilité du RGPD et vulnérabilité budgétaire à long terme. À l’heure où même le gouvernement incite ses ministères à expérimenter des IA françaises, Le Mans a l’opportunité de montrer l’exemple.
Ma deuxième remarque concerne la gouvernance. Le document évoque la participation, la comitologie et des révisions annuelles, ce qui est positif. Mais nous regrettons l’absence d’une instance citoyenne structurée, à l’image du Conseil citoyen du numérique responsable mis en place à Rennes Métropole. Là-bas, des citoyens tirés au sort formulent des recommandations sur les usages numériques, l’IA ou l’accessibilité. Ce n’est pas un gadget : c’est un outil de vigilance, de pédagogie et de co-construction démocratique.
Nous pensons qu’un tel Conseil numérique citoyen, adossé à notre SNR, serait un atout majeur pour renforcer sa légitimité et son appropriation, notamment sur les sujets sensibles comme la cybersécurité, la vie privée et le bon usage des données publiques.
En conclusion, ce SNR constitue une base très utile, mais il gagnerait à s’ancrer davantage dans une logique d’indépendance technologique et de gouvernance démocratique.
Je vous remercie.