Introduction :
Lors du vote du budget primitif 2024, le groupe Citoyens, Écologistes et Solidaires a exprimé un refus argumenté et structuré du projet présenté par Stéphane Le Foll. Olivier Ruchaud a défendu une position responsable, soulignant la nécessité d’un investissement public orienté vers les besoins fondamentaux des habitants – sécurité, santé, enfance – plutôt qu’une logique de prestige et de communication. Il a également dénoncé le niveau préoccupant d’endettement de la Ville, qui progressera de +33 % sur le mandat. À travers une métaphore physique habile, il a interrogé la pertinence réelle de certains investissements dits de « rayonnement », jugés coûteux mais peu porteurs de retombées durables.
Intervention d’Olivier Ruchaud
Avant de parler du budget, juste, puisque vous avez parlé d’un de nos votes, je voudrais rectifier. Nous n’avions pas voté contre la gratuité des médiathèques, nous nous étions abstenus lors du vote du 12 mai 2022 au motif que vous vouliez voter cette gratuité et la financer, alors même que vous proposiez une augmentation des tarifs des cantines.
Je reviens maintenant au budget. Le groupe des élus Citoyens, écologistes et solidaires votera contre le budget que vous présentez. Nous sommes, en effet, préoccupés par la frénésie dépensière qui transparaît dans ce budget, frénésie qui augmente d’année en année. Pour 2024, ce ne sont pas moins de 30 M€ d’investissements programmés, avec un recours supplémentaire à l’emprunt de 15 M€ en 2024 afin d’assurer l’équilibre budgétaire. Il en sera de même en 2025, ce qui, sur l’ensemble de votre mandat, Monsieur le Maire, fera passer l’encours d’emprunt de 75 M€ en 2020 à 100 M€ en 2025, soit 33 % de hausse.
Soyons clairs. L’investissement, nous ne nous y opposons pas. Investir est nécessaire pour assurer le bon fonctionnement des services, anticiper l’évolution des besoins des citoyens, participer à la relance économique, particulièrement lorsque la conjoncture n’est pas favorable. Pour autant, l’investissement doit être maîtrisé.
Or, les finances de la Ville vont pâtir – elles pâtissent déjà – du nombre considérable de chantiers engagés, et je ne parle pas de tous ceux qui sont financés par la Métropole, des travaux, des investissements dont certains se révèlent plus coûteux que ce qui était initialement programmé. La conséquence, c’est l’endettement croissant de notre Ville.
En décembre dernier, lors du débat d’orientation budgétaire, vous aviez, Monsieur le Maire, comparé la capacité de désendettement de la Ville du Mans à celle des villes de Nice ou de Paris. Je comprends, la comparaison vous arrangeait bien. Moi, lorsque j’étais petit, quand je ramenais de l’école des notes qui n’étaient pas à la hauteur des espérances de mes parents, je cherchais toujours une excuse en me comparant aux moins bonnes notes, et mes parents me répondaient qu’il faut toujours se comparer aux meilleurs et pas aux plus mauvais. Je pense que c’est un bon précepte – merci, papa, merci, maman – et en l’occurrence, je vous invite à regarder les cas de Montpellier, Grenoble plutôt que ceux de Nice ou Paris.
Investir, oui, mais investir autrement.
Si on rentre dans le détail de ce budget, il y a en effet matière à discuter de la pertinence de certains investissements. L’investissement dans le secteur de l’animation et l’éducation représente la part la plus importante, la politique de Ville durable arrive ensuite. Ces investissements sont essentiels et ne sont pas discutés, si ce n’est dans le détail à propos de certains choix.
Par contre, nous déplorons que le secteur « Rayonnement » occupe une place si importante dans le budget des dépenses réelles d’investissement. Soit 7,2 %. Alors que les dépenses liées à la sécurité et à la santé, toutes deux réunies, ne représentent que 3,8 %, c’est-à-dire à peu près la moitié des dépenses du rayonnement.
Nous aussi, nous voulons que Le Mans rayonne, mais que par les spécificités qu’elle déploie, elle suscite auprès des actifs et des entreprises le désir de s’installer dans notre charmante cité. Mais il en est de la politique comme de la physique des particules, il y a rayonnement et rayonnement. Le rayonnement gamma, par exemple, se propage très loin, mais interagit très peu avec la matière. Disons-le, certains investissements qui ont trait au rayonnement ressemblent malheureusement à cela.
Il y a des événements, de la communication, beaucoup de dépenses, oui, mais pour quel résultat réel ? Je prendrai, pour montrer ce paradoxe que l’on peut parfois observer, un exemple extérieur à notre Ville. Celui de Carhaix en Bretagne. Son festival de musique pop a une portée internationale, « Les Vieilles Charrues », les recettes – billetterie, hôtellerie, restauration – rapportent 5 M€ à la Ville, mais quel est le bénéfice durable ? Quels impacts économiques durables de ce festival qui rayonne internationalement ?
À Carhaix, il n’y a pas de pôle d’entreprises. À Carhaix, il n’y a plus de maternité. À Carhaix, le CHU le plus proche est à 170 km.
Le rayonnement n’est pas une fin en soi. Le rayonnement est un outil, un simple outil qui n’a d’autre finalité que de fournir des moyens pour améliorer la qualité de vie des habitants.
L’investissement doit servir la pérennité démographique et financière de la Ville afin de garantir la qualité des services de l’enfance, la santé, la sécurité qui sont les priorités des Mancelles et des Manceaux. Nous regrettons que ces domaines essentiels passent au second plan et que notre Ville ait de plus en plus recours à l’endettement.
Pour ces raisons, nous voterons contre le budget proposé.